L’Algérie
Arrivé à Bône, il est accueilli par le Colonel BUCHOUD qui l’avait déjà reçu en Août pendant le stage des Saint-Cyriens, et il reçoit le 21 Octobre le commandement de la 3e compagnie : « Je prends ma compagnie lentement mais sûrement écrit-il. Officiers et Sous-Officiers ont le sourire, il y a des résultats. Ça semble travailler dans la joie, j’en suis très heureux car j’ai horreur d’avoir autour de moi des mines renfrognées ».
Et un peu plus tard : « Il s’agit de reconquérir la confiance de la population. Elle ne peut avoir confiance que si nous sommes forts, que si nous savons ce que nous voulons… Sois sûre que je mène le combat ici avec conscience et que tu n’auras jamais à rougir de nous. Depuis mon arrivée au Régiment je n’ai jamais constaté d’atrocités, ni d’actes indignes de notre vocation d’Officier. Jamais nous n’avons tué pour tuer, chaque fois qu’il a fallu utiliser la force ce fut après réflexion de conscience, ou alors réaction de combat… Ici la population française ne cherche plus à construire mais à sauver les meubles. Ce n’est pas sa faute, elle ne sent pas derrière elle la volonté du pays… Le pays dort et s’embourgeoise, on lui ment, on flatte ses désirs matériels les plus bas. Et pourtant la jeunesse française que je vois autour de moi a les mêmes qualités qu’avaient nos pères et nos grands-pères. Elle est généreuse, ardente, courageuse ; elle n’a pas les chefs qu’elle mérite ».
En Janvier 58, Madame BEAUMONT vient à Philippeville, espérant rester assez longuement avec son mari, mais le 14, brusquement, le Régiment part vers la frontière tunisienne. Ce déplacement, prévu pour une durée limitée, se prolonge, et après trois semaines d’attente, Madame BEAUMONT rentre en France.
Désormais le secteur opérationnel du 9e R.C.P. est celui de SOUK-AHRAS où les Parachutistes ont la mission d’interdire aux Fellaghas le passage du barrage.
Le 16 Février, Serge écrit : « J’ai eu mon premier accrochage sérieux hier à côté de DUVIVIER. J’ai pu prendre la pointure de la compagnie et de son chef. Ça a marché du tonnerre. Les petits français sont épatants, les Officiers et les Sous-Officiers aussi, il faut les retenir. J’ai joué mon rôle correctement je crois, en tout cas comme je le conçois… Le rythme est toujours aussi rapide… Il faut aller vite et pou aller vite il faut prévoir à tous les échelons de la hiérarchie. Le colonel est un Chef et ça fonce. »
Et c’est une nouvelle citation à l’ordre de l’Armée :
« Splendide Commandant de Compagnie de combat. Arrivé en A.F.N. depuis le mois d’Octobre 1957, a participé à toutes les opérations menées par le Régiment dans la région de Djidjelli, El Millia, puis dans l’Est Constantinois.
Faisant preuve d’un sens tactique avisé, d’un courage et d’un cran exemplaires, a été avec sa Compagnie le principal artisan de nombreux succès.S’est particulièrement distingué le 26 Décembre 1957 dans l’opération de la forêt des Mouias (Nord Constantinois).
Vient à nouveau de donner la totalité de sa mesure dans les combats du 14 Février 1858 dans la forêt des Béni-Mezzeline (Région de Duvivier) qui ont eu pour résultat la destruction d’une bande rebelle venant de Tunisie. A mis au cours de l’action quinze rebelles hors de combat et récupéré dix armes de guerre dont une mitrailleuse. »
Au cours de tous ces combats le souci constant du Capitaine BEAUMONT reste le même : « Je profite de toutes ces occasions, en particulier, des accrochages, pour expliquer à mes hommes le sens de leur combat, leur dire qu’ils ne sont pas des tueurs mais des soldats et que cette guerre doit se faire sans haine… Mes officiers sont tyranniques, ils croient que je suis Dieu en personne et exigent des réponses précises à une foule de questions auxquelles je suis incapable de répondre et sans me laisser une minute de répit… La première qualité du soldat est d’être disponible… C’est l’exigence qui nous rapproche le plus du sacerdoce, c’est pourquoi aussi cette vocation est grande et si difficile à accomplir.
Je pense à Saint-Exupéry : actes d’amour, actes de métier, sacrifices, joies, tout doit avoir une signification et s’intégrer dans une vie dirigée inspirée par un idéal, une religion, une idée. Ce besoin d’unité est légitime, il est nécessaire pour donner la sérénité au chef responsable de vies d’hommes. Je le ressens d’une façon aigue avant l’action, après l’action ma conscience m’interroge et j’ai besoin de me justifier sinon aux yeux des hommes, au moins à ceux de Dieu. »
En Mars le Capitaine BEAUMONT vient passer un mois de permission en France. Il quittera les siens le 6 Avril, au matin de Pâques.
« C’est mon destin, écrit-il à son retour en Algérie, d’être écartelé entre deux désirs, deux amours, c’est mon destin de chercher l’équilibre. »
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