Souvenir
Le Colonel BUCHOUD écrit dans sa lettre du 3 Mai à Madame BEAUMONT :
« La cérémonie des funérailles était impressionnante et marquée de dignité et de grandeur. Le Général SAUVAGNAC a remis à votre mari la croix d’Officier de la Légion d’Honneur. »
Voici la magnifique citation à l’ordre de l’Armée qui accompagnait cette dernière promotion :
« Officier d’élite qui vient d’entrer dans la légende.
Commandant de Compagnie de Combat d’un Régiment Parachutiste, a été complètement encerclé avec sa compagnie, après un poser en hélicoptères, par deux Compagnies rebelles, fanatisées et bien armées.
Complètement submergé par plusieurs assauts successifs, a conservé tout son calme et son sang-froid, maintenant ses hommes sous le feu direct de l’adversaire et faisant front de toutes parts.
Une première fois blessé, a continué à commander, debout, son poste radio à la main, galvanisant la défense par son attitude héroïque.
Est tombé mortellement atteint au moment où, étant parvenu à regrouper sa compagnie, il venait d’ordonner la percée.
Restera pour tous l’exemple de l’Honneur et du Devoir poussés jusqu’au sacrifice suprême.
Dans tous les témoignages qui depuis la mort de Serge n’ont cessé d’affluer, on retrouve les mêmes termes exprimés spontanément par ceux qui l’ont connu :
« Officier exceptionnel, de grande classe, digne d’être proposé comme modèle, homme d’action réfléchi à la fois dynamique et prudent, chef humain, dur, pur et droit. »
Le Vendredi 13 Juin en l’Eglise Notre-Dame de Bon Port avaient lieu à Nantes les obsèques du Capitaine Serge BEAUMONT en présence d’une foule énorme, des Autorités, en particulier de plusieurs Officiers Généraux dont le Commandant de l’E.S.M.I.A.
Autour du cercueil de Serge sur lequel s’inclinait le drapeau de son Régiment se trouvaient rassemblées d’importantes délégations de tous ceux qu’il avait commandés, formés et aimés : St-Cyriens en grande tenue, officiers anciens élèves, chasseurs parachutistes. Retenu au dernier moment en Algérie par la mission de son Régiment, le Colonel BUCHOUD avait confié le soin de lire son émouvant message à l’Aumônier de la 25e Division Parachutiste, le Père CASTA, profondément attaché à Serge en qui il avait trouvé le modèle du parachutiste chrétien.
« Madame,
C’est le Colonel commandant le 9e Régiment de Chasseurs Parachutistes qui, par ma voix, s’adresse à vous aujourd’hui et, qu’avec mes camarades actuellement en Métropole, je représente ici.
Je vous lis le message qu’il m’a confié et qu’il m’a chargé de vous transmettre.« Il y a un mois et demi à SOUK-AHRAS, devant trente-trois cercueils, celui du Capitaine BEAUMONT, ceux de ses officiers, de ses sous-officiers et de ses hommes, j’ai dit au Régiment la grandeur, le sens et les exigences de ce sacrifice.
J’aurai voulu être présent parmi vous aujourd’hui.
L’exécution de la mission qui nous lie à la terre d’Algérie m’en a, au dernier moment, empêché.
Je le regrette infiniment car ma place, en ce jour, aurait dû être à vos côtés.
Ces lignes dictées sur le terrain, au cours d’une opération, vous porteront cependant l’expression de nos sentiments et une partie de nous-mêmes.
Elles vous permettront de lire dans le cœur du Régiment, le cœur de cette parcelle d’Armée que nous représentons, persuadés d’ailleurs d’exprimer les sentiments de l’Armée toute entière.Madame, je m’adresse d’abord à vous et à vos enfants, pour vous dire la part immense que nous prenons à votre peine. Nous savons votre courage et la force que vous puisez dans une Foi profonde qui vous permettent de faire face si dignement à ce destin cruel qui prive votre foyer de son chef et vos enfants de leur guide et de leur soutien.
Recevez le témoignage de notre admiration et veuillez croire que nous sommes liés à vous par cette perte.
Vous étiez déjà des nôtres, vous le serez à tout jamais.Je m’adresse à ses parents, ses beaux-parents qui pleurent aujourd’hui un fils pour qui ils s’étaient sacrifiés et qui avaient mis en lui tout l’espoir de leurs vieux jours. Parents si douloureusement éprouvés et qui devenez avec nous tous, hommes et cadres du 9e R.C.P., les dépositaires du témoignage qu’ils viennent de donner à la France.
Je m’adresse à la jeunesse de France,
à celle qu’il a formée, à celle qu’il a commandée,
à celle qu’il a si profondément marquée de son empreinte,
et je voudrais qu’elle tirât la leçon de sa vie et de sa mort. […]
[…] le capitaine BEAUMONT rayonnera par sa mort comme il a rayonné par sa vie sur toute la jeunesse de France. Les vertus qu’il a su et continuera de répandre sur elle, nous permettent d’augmenter notre foi dans l’avenir de notre jeunesse et de notre pays tout entier.Je m’adresse enfin aux Français qui m’écoutent aujourd’hui pour leur dire ce que représente à nos yeux le sacrifice du capitaine BEAUMONT et celui de ses hommes. Les raisons pour lesquelles nous sortons grandis de cette épreuve infiniment douloureuse et non pas abattus.
La Bataille de SOUK-AHRAS – puisque c’est ainsi qu’on la nomme officiellement désormais – au cours de laquelle est tombé le capitaine BEAUMONT, s’est déroulée pendant six journées consécutives et fut d’une violence inouïe.
Les hors-la-loi formés et entraînés en Tunisie avaient décidé de pénétrer en force sur le territoire français d’Algérie, pour y faire régner la terreur que vous savez.
En six jours, huit cents hors-la-loi ont tenté de franchir le barrage. Tous ou presque ont été anéantis. Cet échec a été tellement cuisant et si durement ressenti en Tunisie que, sur le champ et sous le plus fallacieux des prétextes, trois soldats français, faits prisonniers, précisément aux environs de SOUK-AHRAS et détenus en Tunisie depuis plusieurs mois, étaient exécutés assez sommairement.Vous savez le reste.
Vous savez la colère du peuple d’Algérie.
Vous savez le refus d’abandonner.
Vous savez le rôle de l’Armée d’Afrique.Les cadres de carrière tout aussi bien que les hommes appelés du contingent, vos fils ou vos frères, ont repris un sens aigu de la conscience nationale. Ils s’étaient fait le serment tacite que leurs sacrifices ne seraient pas vains et qu’ils ne quitteraient point cette terre française où les enracinait encore plus fort le sang versé par les leurs.
Et c’est ainsi que du choc de toutes les volontés réunies s’est produit le miracle du 13 Mai, par lequel l’Algérie a vraiment commencé à sauver la France.
Et c’est ainsi que le capitaine BEAUMONT se trouve placé par son sacrifice au point de départ de cette réaction en chaîne aboutissant à ce miracle.Pour nous il entre dans la légende.
Dans son souvenir et dans son exemple nous puiserons notre force, pour mener jusqu’au bout notre mission qui est sacrée.
Capitaine BEAUMONT, nous sommes fiers de vous ; et vous avoir compté parmi les nôtres, nous a grandis, nous a anoblis, nous a sanctifiés.
Votre nom restera inscrit en lettres de feu au Livre d’Or du 9e Régiment d’Infanterie dont le 9e R.C.P. détient les traditions.
Recevez l’adieu de vos frères d’armes, de vos camarades de combat ».
L’absoute fut donnée par le Père PASCAL, Aumônier de l’E.S.M.I.A., depuis quatre ans son ami et son confident. Rien ne peut mieux terminer ce récit que son témoignage.
Le 8 Mai, une parente de Madame BEAUMONT écrivait à celle-ci : « Hier soir étaient réunis autour du Père PASCAL tous ceux qui, dans le camp, ont connu et aimé votre ménage. Il a dit la Messe à 8heures et, à l’Evangile, nous a parlé de Serge… C’était comme une porte ouverte sur un magnifique univers inexploré dont tu étais sans doute la seule à posséder la clé.
Le Père nous a parlé de la force de sa Foi, de ce contact direct qu’il aimait avoir avec ses interlocuteurs, contact en profondeur éloigné des phrases creuses et inutiles et dans lequel on devinait la richesse de sa vie propre…
« Serge, disait-il, était à la recherche constante de la Vérité, allant au fond des choses, dans un désir de faire passer le message autour de lui, moins par la parole que par l’influence constante de l’exemple… Comment n’être pas persuadé que Dieu l’a accueilli tout de suite dans sa Lumière et sa Gloire ? Cette recherche constante du mieux, et du don de lui-même, n’était-ce pas toute sa vie ?
Il reste un exemple vivant pour chacun de nous. »
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